Expressions d'origine militaire : découvrez leur histoire !

« Passer l'arme à gauche », « un vieux de la vieille »… tous les jours nous employons ou entendons de telles expressions, dont le sens nous paraît aussi naturel que l'origine semble obscure. En effet, d'où proviennent ces expressions que tout le monde emploie sans pour autant forcément en connaître l'origine ?

Je vous propose de découvrir, au travers de cet article, ce qui se cache derrière quelques locutions fréquemment employées et de découvrir ce faisant ce qui leur a donné naissance. Vous pourrez ce faisant noter que certaines expressions proviennent d'usages révolus, issus d'une autre époque, et que l'expression qui en a émergé a survécu à cet usage pour parvenir jusqu'à nous.

Passer l'arme à gauche

Plusieurs origines potentielles sont attribuées à cette expression synonyme de « mourir » dont la racine remonte à plusieurs siècles.

La première remonterait « seulement » aux guerres napoléoniennes lorsque l'infanterie de la Grande Armée employait des mousquets longs à recharger. Lorsque les soldats avaient tiré, ils passaient leur arme dans la main gauche afin de la recharger par le canon. Durant cette étape, longue dans un contexte de bataille rangée, le militaire était particulièrement vulnérable (car désarmé, exposé et concentré sur une tâche autre que le combat), d'où le fait que beaucoup se faisaient tuer quand ils recharchaient leur fusil. C'est l'une des explications avancées à l'expression « passer l'arme à gauche ».

Une autre explication répandue remonte plus loin, à l'époque du Moyen Âge. Peut-être avez-vous remarqué que les escaliers en colimaçon, très en vogue à cette époque, tournent toujours dans le même sens (le sens horaire). Il y a une raison à cela. Les bâtisses possédant de tels escaliers étaient des édifices souvent assez riches (pour les maisons les plus modestes, des échelles ou escaliers de bois faisaient le plus souvent l'affaire) et susceptibles d'être attaquées et de devoir être protégées. On suppose alors que l'habitant de la maison se trouve dans les étages supérieurs (ou se repliera dans les étages supérieurs en cas d'attaque) et que l'assaillant attaque par le rez-de-chaussée. Ainsi, partant du principe que les droitiers sont plus nombreux que les gauches (surtout à cette époque où les gauchers étaient éduqués comme des droitiers), pour des combats dans les escaliers, la personne se trouvant en haut était favorisée ayant toute la place nécessaire pour dégainer et se battre, tandis que celui en contrebas était gêné par le pilier central de l'escalier. Cela donnait ainsi un avantage au défenseur sur l'assaillant qui, de par sa position, était incité à passer l'arme à gauche afin de pouvoir la mouvoir plus librement. Ce dernier, désavantagé, avait ainsi plus de chances de se faire tuer au cours du combat, d'où le rapprochement entre le fait de « passer l'arme à gauche » et de mourir.

Notons enfin que plus généralement, la main gauche est considérée comme moins habile que la droite (les droitiers étant plus nombreux que les gauchers) et donc, à partir de là, tenir une arme de la main gauche est considéré comme un désavantage (ce sur quoi reposent les deux précédentes explications), menant souvent à la mort dans un combat.

Un vieux de la vieille

Cette expression laudative désignant quelqu'un de très expérimenté est, elle aussi, un legs de Napoléon Ier ! C'est en effet lui qui a créé la garde impériale, qui « meurt mais ne se rend pas ». Cette faction était composée de la « vieille garde » et de la « jeune garde » (respectivement les vieux soldats et les jeunes) et, du fait de la réputation de ce corps d'armée, les anciens soldats jouissaient d'un prestige relativement élevé. Cela était d'autant plus vrai pour les vieux soldats de la vieille garde (donc les plus anciens des vétérans), qui étaient vus par les jeunes comme des gens d'expérience qui avaient traversé moult batailles et avaient toujours survécu. Cette expression est apparue pour la première fois dans la littérature dans Le cousin Pons d'Honoré de Balzac : « […] il avait l'air curieux d'un jeune soldat écoutant un vieux de la vieille. » et a ensuite été réemployée à diverses reprises, notamment par Théophile Gautier dans le poème du même nom.

De but en blanc

Cette expression qui signifie « dire les choses de manière directe, sans détours » trouve son origine au XVIIe siècle. Elle s'énonçait alors ainsi « de pointe en blanc ». Dans le vocabulaire d'artillerie de cette époque, la pointe était l'endroit où devait se positionner le canonnier pour viser et le blanc désignait la cible à atteindre. Avec le temps, le terme de pointe a été remplacé par celui de butte, désignant une butte de tir soit, d'après Larousse, un « tertre naturel ou artificiel destiné aux exercices de tir réel. ». L'idée de brusquerie provient de cette image, les tirs émis depuis une butte vers une cible en contrebas étant directs et ne nécessitant pas une très grande précision de visée contrairement aux tirs à distance. De là, butte s'est transformé en but, sans que cela ait toutefois un quelconque rapport avec un but dans le sens d'objectif. C'est bien le contraire, la butte est le point de départ du tir et le blanc est l'objectif.

Notez enfin que le verbe pointer existe toujours avec un sens à peu près équivalent à celui qu'il avait à l'origine de cette expression, dans le jeu de boules. En effet, dans l'expression bien connue « tu tires ou tu pointes ? », le verbe tirer désigne un lancer de boule ayant pour objectif de déloger une des boules adverses, et le verbe pointer signifie viser le cochonnet afin de s'en rapprocher au maximum.

Tirer à boulets rouges

Terminons enfin cet article par une expression dont le sens peut être aisément deviné : « tirer à boulets rouges ». Cette locution désigne des attaques verbales répétées et souvent violentes contre quelqu'un ou quelque chose. Ce sens est logique, si l'on juge par le fait qu'elle provient d'une attaque elle-même violente. En effet, afin d'accroître la capacité destructrice des boulets tirés par les canons, quelqu'un (probablement Frédéric-Guillaume Ier de Prusse, XVII-XVIIIe siècles, bien que des doutes existent à ce sujet) eut l'idée de chauffer les boulets au rouge avant de les envoyer, ce qui, outre les dégâts causés lors de l'impact, avait de plus pour effet d'amorcer des incendies.

Si cette expression existe depuis lors, le sens que nous lui connaissons actuellement (avec une notion de réitération dans l'attaque) n'est apparu que légèrement plus tard, au XVIIIe siècle.

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