6 expressions et termes curieux de la langue française

La langue française regorge d’expressions et de termes plus étranges les uns que les autres. Certains d’entre eux peuvent se révéler amusants, d’autres incompréhensibles — car hors de notre contexte actuel, mais presque tous surprennent par leur incongruité.

Quelle sorte de galerie peut-on épater ?

L’expression « épater la galerie » est ancienne puisqu’elle a vu le jour grâce à un jeu âgé de près d’un millénaire : le jeu de paume. Ancêtre du tennis, il consistait à renvoyer une balle au-dessus d’un filet, à mains nues tout d’abord, puis au moyen de raquettes quelques siècles plus tard. Si le jeu de paume se pratiquait à l’origine en plein air, les premiers terrains couverts, nommés « tripots », furent construits à partir du XIVe siècle.

Dans ces salles, les courts étaient entourés de galeries, espaces protégés en surplomb dans lesquels les spectateurs se tenaient pour assister à la partie. Ainsi certains joueurs fanfarons n’hésitaient-ils pas à effectuer d’élégantes pirouettes en renvoyant la balle afin « d’épater la galerie ».

De nos jours, le jeu de paume n’est plus très pratiqué, malgré la tentative de réhabilitation de ce jeu par le Royaume-Uni et les États-Unis. L’expression « épater la galerie » a donc pris un sens plus large : il s’agit désormais d’impressionner son entourage, purement et simplement. Mais elle a acquis une connotation légèrement péjorative…

Pourquoi qualifie-t-on une mauvaise bière de « bibine » ?

Le terme « bibine », issu du latin bibere signifiant « boire », était le nom donné, au Moyen Âge, aux tavernes bon marché où les mendiants et démunis pouvaient boire et se restaurer.

Dans ces endroits mal famés, l’on était autorisé, moyennant quelques sous, à accéder à une sorte de soupe populaire de l’époque : une marmite gigantesque remplie d’eau dans laquelle mijotaient divers restes, comme des abats d’animaux, des os à moelle, de petits morceaux de gras ou de viande avariés…

Après avoir payé, les « clients » se voyaient offrir une longue fourchette qu’ils plongeaient dans la marmite afin d’en récupérer l’un ou l’autre rogaton. Cela n’était guère ragoûtant, mais cela offrait aux affamés un repas chaud et peu coûteux.

Aujourd’hui, l’on appelle « bibine » une boisson dont le goût évoque celui du bouillon cité plus haut.

Pourquoi dit-on que l’argent n’a pas d’odeur ?

L’origine de ce proverbe est latine : ce fut l’empereur romain Vespasien (9-79 apr. J.-C.) qui le prononça.

Si son nom vous évoque des urinoirs publics, ce n’est pas un hasard. Il s’est en effet rendu célèbre par l’instauration d’une taxe sur les toilettes publiques à Rome : l’urine était utilisée par les teinturiers pour fixer les couleurs sur les étoffes.

À ceux qui riaient de l’aspect ridicule de cet impôt ou qui se plaignaient de l’odeur pestilentielle des cuves d’urine, il répondait « pecunia non olet » : « l’argent n’a pas d’odeur ».

On raconte que, son fils Titus lui ayant reproché l’incongruité de cette taxe, il aurait placé sous son nez l’argent collecté en lui demandant, non sans ironie, si l’odeur l’incommodait. Vespasien concluait ainsi que tout argent, quelle que soit sa provenance, est bon.

Pourquoi parle-t-on de l’épée de Damoclès ?

L’épée de Damoclès est issue d’une légende grecque relatée dans l’un des livres de l’historien Timée de Tauroménion.

Selon cette légende, Damoclès était un courtisan du roi de Syracuse Denys l’Ancien, un tyran toujours inquiet d’être trahi ou détrôné. Il ne cessait de le complimenter sur ses richesses et sa réussite, disant qu’il était envieux du bonheur que lui procurait son titre. Si bien que le monarque, afin de lui prouver que sa condition n’était pas si appréciable, l’invita à un banquet et lui proposa d’y occuper le trône royal.

Au cours du banquet, Damoclès leva la tête et s’aperçut qu’une lourde épée était suspendue au-dessus de lui, maintenue par un simple crin de cheval et pouvant donc tomber à tout moment. Denys l’Ancien l’avait placée pour lui montrer la précarité du bonheur des rois et le danger qui les menace quotidiennement.

C’est pourquoi l’on dit aujourd’hui, lorsque l’on est dans une situation épineuse et que les choses peuvent très vite mal tourner, que l’on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Pourquoi veille-t-on « au grain » ?

Ici, le « grain » n’est pas comestible ; ce terme est utilisé dès le XVIe siècle dans le vocabulaire maritime pour désigner un coup de vent subit, violent et de courte durée, accompagné généralement de précipitations. Aussi était-il important de voir arriver cette tempête pour s’en prémunir : ceux qui veillaient « au grain » étaient particulièrement attentifs…

Pourquoi peut-on dire de quelqu’un qu’il a un nom « à coucher dehors » ?

Cette expression quelque peu négative, désignant un nom difficile à retenir ou à prononcer, est issue d’une époque où une personne n’ayant pas un nom à consonance chrétienne était mal vue. Elle suscitait la méfiance chez les autres, si bien qu’ils refusaient de l’héberger si elle était perdue et devait trouver un lieu chaud où passer la nuit, la contraignant à dormir dehors.

De la même façon, dans les auberges, les chambres étaient accordées en priorité aux gens dont le nom était le plus bourgeois… les autres étaient obligés de coucher dehors !

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