Peut-on dire « malgré que » ?

J'ouvre aujourd'hui une série de billets pour répondre à la célèbre question qu'on se pose souvent en français : « Peut-on dire … ? ».

Eh oui, peut-on dire « malgré que » ? Une question que chacun d'entre nous s'est déjà posée au moins une fois. Vous allez voir, la réponse est double.

Peut-on dire « malgré que » selon l'Académie française ?

La réponse de l'Académie française à ce propos est claire : non.

Malgré que s’emploie bien dans la langue soutenue, mais seulement avec le verbe avoir conjugué au subjonctif.

Malgré que j’en aie, quelque mauvais gré, si mauvais gré que j’en aie ; en dépit de moi, de ma volonté : Je reconnais les mérites de mon rival, malgré que j’en aie ; Malgré qu’il en ait, nous savons son secret ; Elle ne put cacher son dépit, malgré qu’elle en eût.

En revanche, encore que de nombreux écrivains aient utilisé la locution conjonctive « Malgré que » dans le sens de « Bien que », « quoique », il est recommandé d’éviter cet emploi.

En résumé, la locution malgré que j'en aie, est équivalente à « bien que ça ne me fasse pas plaisir ».

Car sa personnalité, malgré qu'il en ait [bien que ça ne lui fasse pas plaisir], transparaît dans son œuvre. - André Gide

Cette locution relève d'un langage soutenu. Aucun autre usage, y compris avec le verbe avoir, n'est accepté par l'Académie française.

Votre professeur de français risque d'avoir la même opinion que l'Académie. Ce sont les règles officielles. À remplacer donc de préférence par « bien que » ou « quoique ».

Évitez cependant un horrible (mais correct) « malgré le fait que ».

La locution « malgré que » utilisée par les plus grands auteurs

La locution « malgré que » fait aujourd'hui partie du langage oral et écrit, même chez les plus grands auteurs :

  • Justin, malgré qu'il fût peu physionomiste, demeura frappé par la ressemblance qu'accusait son visage avec celui de M. Rasselène (Aymé)
  • Même il faisait déjà presque chaud, malgré qu'à ces hauteurs les matinées ordinairement soient assez fraîches (Ramuz)
  • Malgré que le soir fût d'une tiédeur extrême (Mauriac)
  • Malgré que me le conseillât la prudence (Gide)
  • Malgré qu'il fût sévèrement jugé par les bourgeoises de la petite ville, ce constant souci de toilette n'alla jamais jusqu'à la faire suspecter de légèreté (Vidalie)
  • Malgré que je fusse mal satisfait de mon arrestation, il y mit de la courtoisie (Vigny)
  • Malgré qu'il n'entrât guère en ma chambre, j'entendais souvent, la nuit, un bruit furtif qui venait jusqu'à ma porte (Maupassant)
  • Malgré qu'on fût au déclin de la saison (A. Daudet)
  • Malgré qu'une partie de moi-même résistât (Barrés)
  • Malgré que je ne le puisse imaginer (A. France)
  • Malgré qu'il eût vingt ans de plus que moi (Gide)
  • Jamais Noé ne put si bien voir le monde que de l'arche, malgré qu'elle fût close et qu'il fît nuit sur la terre (Proust)
  • Malgré qu'il ait obtenu tous les prix de sa classe (Fr. Mauriac)
  • Elle vit Jacques d'un mauvais œil, malgré que de son côté elle trompât Lazare avec un peintre (Cocteau)
  • Malgré que le soir tombe (J. Romains)
  • La camionnette, malgré qu'on eût chaîné les pneus, ne se risque plus guère à franchir les rampes glacées (Gracq)

Que dit Le Bon Usage, figure de référence chez les grammairiens ?

Malgré que a été formé sur la préposition malgré, d'après le modèle de nombreuses locutions conjonctives correspondant à des prépositions (avant que, après que, dès que, sans que, etc.).

Malgré que a peut-être appartenu d'abord à l'usage populaire. La locution n'a plus ce caractère, comme le montrent les exemples qui font fi de la résistance des puristes.

Que faire alors ?

Évitez d'inclure un « malgré que » lors d'un concours officiel, voire lorsque vous écrivez une lettre de motivation.

Par contre, dans la vie de tous les jours, ne vous prenez pas la tête avec ce débat un peu dépassé !

Mais, et là-dessus il n'y a pas à discuter, que vous utilisiez « bien que » ou « malgré que », il faut un subjonctif ensuite !

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